ELLE VOULAIT ÊTRE PROFESSEUR DE FRANÇAIS, ELLE A TRAVAILLÉ 22 ANS ANS CHEZ EUROPE ASSISTANCE À LA GESTION DES SINISTRES. AUJOURD’HUI, À 44 ANS, MORGANE EST SOPHROLOGUE. RETOUR SUR CES ANNÉES QUI LUI ONT PERMIS DE SE DÉCOUVRIR.
« J’ai arrêté mes études à 22 ans, en licence de lettres, raconte Morgane Léonard. Mon compagnon de l’époque était malade, je devais travailler, je suis entrée chez Europ Assistance et y suis restée… 22 ans. Je gérais les sinistres. »
On est loin de Verlaine mais Morgane conserve son goût pour la culture et le monde associatif où elle s’investit depuis l’âge de 14 ans. « Adolescente, je m’occupais déjà de personnes handicapées dans une association, par le biais de l’aumônerie, explique-t-elle. J’ai toujours gardé un lien avec le handicap. Je savais que je n’étais pas faite pour mon travail d’assureur, mais j’ai continué, sans doute par confort. »
DÉPASSEMENT
À 30 ans, premier déclic. Morgane se met au sport. « En 2004, j’ai la possibilité de participer au Raid Vittel Amazones au Sri Lanka, organisé par Alexandre Debanne. Pendant cinq jours, par équipe de trois, nous avons enchaîné course à pieds, canoé, VTT… C’était un pari fou car je n’avais jamais fait de sport et pesais 15 kg de plus qu’aujourd’hui. J’étais le maillon faible de l’équipe. Nous sommes arrivées 32e sur 70 équipes, ce qui est tout à fait honorable. Cela m’a appris à me dépasser, à oser. Quand on se lance un défi, on peut le relever. »
Cette première expérience physique lui donne le goût de l’effort et Morgane va continuer à courir. Comme elle porte en elle cette attention aux autres, elle s’entraîne avec des personnes handicapées via l’association Grand Large(1) . «J’ai toujours eu besoin d’aller vers les autres, confirme-t-elle. Sans me rapporter un sou, cela m‘a beaucoup apporté. »
INJUSTICE
À la même période, les conditions de travail chez Europ Assistance se dégradent. La direction met en place le lead management(2). Morgane se sent confrontée à l’injustice : elle se syndicalise. « Mais c’était peine perdue et j’ai réalisé que je n’étais plus à ma place. Malgré tout, le syndicalisme m’a donné confiance en moi, sans que je m’en rende compte. » Pour compenser l’insatisfaction grandissante qu’elle vit chaque jour à son travail, elle s’investit de plus en plus dans le sport. Elle court et pratique le judo. Jusqu’à la blessure, il y a quatre ans. « J’ai dû rester immobilisée un mois. Cet arrêt total m’a angoissée : Que vais-je faire ? Comment mon corps va supporter l’inactivité ? J’ai alors lu par hasard un article sur la sophrologie, et j’ai commencé à m’intéresser à cette pratique. Grâce à de nombreuses lectures sur le sujet, je suis parvenue à surmonter mon immobilisation et même à bien la vivre. »
RUPTURE
Lorsque Morgane retourne travailler, elle a pris sa décision et s’inscrit dans une école de sophrologie. « Je me suis autofinancée, précise-t-elle. Je ne souhaitais pas que mon employeur soit au courant, ni mes collègues que je ne sentais pas toujours bienveillants. Pendant un an et demi, j’ai donc suivi les cours le vendredi – en posant une semaine sur deux un jour de congé – et le samedi. »
Morgane prépare son mémoire sur le sport et la préparation mentale dans le but d’aider les sportifs à atteindre leurs objectifs pendant une compétition. Pour obtenir des témoignages, elle passe une annonce dans son club d’athlétisme. « J’ai reçu une avalanche de réponses, dit-elle en souriant. C’était la preuve que j’avais fait le bon choix. »
Après l’obtention de son diplôme, Morgane commence à pratiquer le soir et le week-end. « Au travail, cela devenait de plus en plus difficile. Ma reconversion étant largement amorcée, j’ai demandé une rupture conventionnelle. »
DOUTES
Depuis, Morgane construit sa clientèle. « Cela a commencé sur les chapeaux de roue, mais c’est plus difficile maintenant. » Surtout, elle est confrontée à la tâche ingrate de son travail : se vendre.
Il faut donner pour recevoir
« J’ai démarché toutes les maisons de retraite de ma ville en proposant des séances d’essai gratuite. Mais je n’ai eu aucune réponse. Parfois je doute. »
ÉCOUTE
Morgane intervient aussi dans deux écoles et espère faire partie de leur projet à la rentrée prochaine. Tous les mercredis soirs, au stade, après l’entraînement, elle offre une séance de préparation mentale aux coureurs qui le souhaitent. Enfin, elle a rencontré une psychologue spécialisée ABA(3) qui forme des intervenants à la méthode pour enfants autistes. Ainsi, elle suit 4 heures par semaine un petit garçon de 5 ans et, 20 heures par semaine, une collégienne de 17 ans, tous deux présentant des troubles autistiques. « C’est passionnant et enrichissant et mon expérience de sophrologue m’est d’un grand secours. L’écoute est une forme de thérapie. Il y a du sens à être sophrologue et intéressée à la méthode ABA. »
VALEURS
Pour Morgane, la sophrologie est plus qu’une méthode liée au bien-être et au développement personnel, c’est une approche thérapeutique. « Dans notre société, les gens ont besoin de concret, explique-t-elle. Les techniques sophrologiques permettent d’avoir des résultats rapides. »
Spécialisée dans la sophrologie appliquée au sport, Morgane s’est également ouverte aux enfants et aux adolescents. « Avec l’approche des examens, j’ai reçu un grand nombre de jeunes. Je me suis aperçue que la sophrologie marchait bien auprès des adolescents stressés par un examen. J’ai donc suivi des modules de formation spécialisés enfants et adolescents. » Et comme elle connaît bien le monde de l’entreprise, elle intervient aussi en entreprise. « Je propose aux salariés des thèmes comme le sommeil, le lâcher prise, etc… Par contre, je refuserai toujours d’intervenir dans le cadre d’un changement d’organisation », conclut-elle.